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Je sais que notre vie est un peu de fumée
Qui traîne dans les airs et se dissipe au vent,
Qu’elle est à tout instant éparse et déformée,
Et que rien n’est solide en nos êtres mouvants ;


Mais du moins c’est beaucoup pour cette ombre flottante,
De vouloir s’arrêter dans un durable amour,
D’aspirer, pour chérir une autre ombre fuyante,
À l’immortalité des cieux qu’elle parcourt !


Il ne saurait tenir, en cette course brève,
De durée au-delà de quelques tourbillons ;
Nous y pouvons placer l’éternité d’un rêve,
Et rester dans ce rêve autant que nous durons.


Et c’est pourquoi mon cœur, bien qu’il ne doive vivre
Que le temps d’un rayon sous un ciel orageux,
Depuis que ta beauté m’est apparue, est ivre
D’un amour immortel, digne du cœur des Dieux,


Pourquoi, devant ton corps que seulement le crime
De Ceux qui l’ont formé digne de leurs séjours
Peut laisser retomber au ténébreux abîme
D’où ne sortiront plus de semblables contours,