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L


L’Amour nous a conduits auprès d’un puissant fleuve,
Qui fait couler ses flots entre deux bords divers :
La rive où nous marchons est celle de l’Epreuve,
Aucune fleur ne croit sur ses terrains déserts,

Que des chardons de sable à demi-recouverts,
Et des saules pareils à des voiles de veuve ;
La rive du Bonheur, qui rit d’orangers verts
Où le fruit mûr se mêle à la fleur toujours neuve,

Brille en face de nous comme un proche décor.
Et son riche parfum, par souffles, nous arrive.
Mais sur ces froids rochers notre vie est captive ;

Tant que nous atteignions le repos de la mort,
Nous suivrons attristés et lassés notre rive.
Sans trouver le passeur qui mène à l’autre bord.