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XIX


 
Heureux les morts, heureux les cadavres paisibles,
Lentement emmenés dans un chariot noir
Vers les profonds logis de glaise inaccessibles
Aux flots tumultueux de chagrin et d’espoir !

À travers tous les temps ils seront impassibles,
Ayant tout oublié, ne voulant plus rien voir ;
Et la terre, craquant de tremblements horribles,
Pourra les remuer mais non les émouvoir.

Surtout ils sont guéris des passions humaines,
Leurs cœurs sont arrêtés, leurs moelles refroidies,
Le pendule est brisé des amours et des haines,

Eteints à tout jamais les cruels incendies
Qui dévoraient leurs os, et leurs sens apaisés
Ne tourmenteront plus leurs corps décomposés.