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les instruments desquelles ils appellent entre eux, par un vilain jargon, les épées de chevet. »

Les sodomites sont tellement en faveur que, comme au temps de Martial, les rimeurs savaient aller au-devant du succès en présentant à leurs lecteurs le portrait du « mignon » idéal :

Je veux qu’en plusieurs lieux mon ami soit ombré
D’un beau poil crépelu, poil que je tiens sacré,
Comme m’advant-courant le doux fruit que je cueille,
Et principalement je veux que son menton
Aye un petit duvet d’un blondoyant coton.

L’arbre est bien mal plaisant quand il n’a point de feuille.

Oserai-je oublier ce que je veux surtout,
Le fregon de mon four, bâton qui n’a qu’un bout,
Mon mignon boute-feu de ma flamme amiable,
L’ithyphalle gaillard qu’il me faut amorcer,
Qui sans caresse peut un monde caresser,
De grandeur naturelle et de grosseur semblable.
Toujours prompt, vif, ardent, ayant un sang altier,
Et deux braves témoins pour me certifier
Qu’il est prêt, bien en point, gonflé d’ardeur féconde,
Encore que sa forme enseigne sa valeur,
Son chef, son front, son nez, n’est-ce pas un beau cœur,
Qui sans cesse combat la plus grand’part du monde[1] ?

  1. Les premières œuvres poétiques du capitaine Lasphrise. Paris, 1587 : Stances de la délice d’amour,