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exemples, au désavantage du vin ; car outre que cette boisson n’en seroit pas moins à estimer, quand les Romains l’auraient crû mauvaise, toutes ces défenses & toutes ces mesures ne venoient que de la disette & de la cherté extrême où étoit alors le vin. Car du tems de Romulus, & pendant plus de six cens ans aprés lui, à peine y avoit-il du vin à Rome : c’est ce qui fut cause que Romulus se servoit de lait au lieu de vin, pour faire ses libations dans les sacrifices[1] ; & que Numa, son successeur, défendit de jetter du vin sur les buchers où l’on brûloit les morts, Quod sanxisse illum propter inopiam vini nemo dubitet, dit Pline[2]. Ce fut pour cette raison que le même Numa ordonna de ne point offrir aux Dieux, de vin qui viendroit d’une vigne qu’on n’auroit pas taillée & pouée, ce Prince voulant par-là obliger les Laboureurs, qui ne songeoient qu’à la culture des bleds, à songer aussi à celle des vignes, afin que par ce moïen les vins fussent moins rares[3]. Enfin, le vin étoit si précieux dans ces tems-là, que Lucius Papirius, General de l’Armée Romaine, allant combattre contre les Samnites, fit vœu d’offrir à Jupiter un gobelet de vin, s’il gagnoit

  1. Plin. lib. 14. cap. 12.
  2. Plin. ibid.
  3. Plin. ibid.