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Voilà par quelles raisons l’on prétend démontrer, dans le Traité des Dispenses, qu’un seul atome d’aliment est plus qu’il ne faut pour nourrir jusqu’à répletion, l’homme le plus robuste. Que de dépenses inutiles en vivres dans les Armées, & que de troupes on pourroit faire subsister à peu de frais ! On a regardé jusqu’ici comme un prodige, que cinq mille hommes aïent été nourris avec cinq pains d’orge & deux poissons. Mais suivant l’heureuse découverte de nôtre Auteur, il n’y a rien en cela de si extraordinaire ; & si l’on a peine à le comprendre, qu’on se souvienne de ce grain d’encens, ou de cet atome de musc, qui divisé en vapeur, remplit d’immenses espaces : Qu’on rappelle ce grain pesant de soïe, lequel peut s’étendre jusqu’à six-vingts aulnes, & sur lequel on peut marquer alors avec la pointe d’une plume, qui ne sera pas bien fine, cent quarante-quatre mille points d’encre trés-distinguez : Qu’on fasse en même tems refléxion qu’il n’y a ni art ni force capable d’affiner une matiere au point que le fait la force qui digere en nous les alimens, & on se trouvera pleinement convaincu qu’un atome de pain ou de viande est plus que suffisant pour nourrir abondamment le plus gros mangeur, pour-