Cette question que la vierge nous posa par modestie, piqua notre curiosité, et chacun aurait bien voulu en trouver la solution. Mais tous les regards se dirigèrent vers moi, et l’on me pria d’émettre mon avis le premier ; j’en fus tellement troublé que je ne pus répondre qu’en posant le même problème d’une manière différente et je dis :
« Madame, une seule difficulté s’oppose à la solution de la question qui serait facile à résoudre sans cela. J’avais deux compagnons qui m’étaient profondément attachés ; mais comme ils ignoraient auquel des deux j’accordais ma préférence, ils décidèrent de courir aussitôt vers moi, dans la conviction que celui que j’accueillirais le premier avait ma prédilection. Cependant, comme l’un d’eux ne pouvait suivre l’autre, il resta en arrière et pleura ; je reçus l’autre avec étonnement. Quand ils m’eurent expliqué le but de leur course, je ne pus me déterminer à donner une solution à leur question et je dus remettre ma décision, jusqu’à ce que je fusse éclairé sur mes propres sentiments ».
La vierge fut surprise de ma réponse ; elle comprit fort bien ce que je voulais dire et répliqua : « Eh bien ! nous sommes quittes ».
Puis elle demanda l’avis des autres. Mon récit les avait déjà éclairés ; celui qui me succéda parla donc ainsi :
« Dans ma ville une vierge fut condamnée à mort dernièrement ; mais comme son juge en eut pitié, il fit proclamer que celui qui voudrait entrer en lice pour elle, afin de prouver son innocence par un combat serait admis à faire cette preuve. Or elle avait deux galants, dont l’un s’arma aussitôt et se présenta dans le champ clos pour y attendre un adversaire. Bientôt après, l’autre y pénétra également ; mais comme il était arrivé trop tard, il prit le parti de combattre et de se laisser vaincre, afin que la vierge eût la vie sauve. Lorsque le combat fut terminé, ils réclamèrent la vierge tous les deux. Et dites-moi maintenant, messeigneurs, à qui la donnez-vous ? »