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LES NOCES CHYMIQUES

que telle a été la volonté de Dieu. J’ai profité plus qu’eux de la compagnie de mon page, car les pages conduisaient chacun suivant ses tendances intellectuelles, aux endroits et par les voies qui lui convenaient. Or, c’est à mon page qu’on avait confié les clefs et c’est pour cette raison que je goûtai ce bonheur avant les autres. Mais maintenant, quoiqu’il les appelât, ils se figuraient que ces tombeaux ne pouvaient se trouver que dans des cimetières, et là ils les verraient toujours à temps — si toutefois cela en valait la peine. Pourtant ces monuments, dont nous avons pris tous deux une copie exacte, ne resteront point secrets à nos disciples méritants.

Ensuite nous visitâmes tous deux l’admirable bibliothèque ; elle était encore telle qu’elle avait existé avant la Réforme. Quoique mon cœur se réjouisse chaque fois que j’y pense, je n’en parlerai cependant point ; d’ailleurs le catalogue en paraîtra sous peu. Près de l’entrée de cette salle, l’on trouve un gros livre, comme je n’en avais jamais vu ; ce livre contient la reproduction de toutes les figures, salles et portes ainsi que des inscriptions et énigmes réunies dans le château entier. Mais quoique j’eusse commencé à divulguer ces secrets, je m’arrête là, car je ne dois en dire davantage, tant que le monde ne sera pas meilleur qu’il n’est.

Près de chaque livre je vis le portrait de son auteur ; j’ai cru comprendre que beaucoup de ces livres-là seront brûlés, afin que le souvenir même en disparaisse parmi les hommes de bien.

Quand nous eûmes terminé cette visite, sur le seuil même de la porte, un autre page arriva en courant ; il dit quelques mots tout bas à l’oreille de notre page, prit les clefs qu’il lui tendait et disparut par l’escalier. Voyant que notre page avait affreusement pâli, nous l’interrogeâmes et, comme nous insistâmes, il nous informa que Sa Majesté défendait que quiconque visitât ni la bibliothèque ni les tombeaux et il nous supplia de garder cette