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LES NOCES CHYMIQUES

prisonniers et, nous ayant salués, elle dit brièvement : « Mon maître sévère est satisfait de constater que quelques-uns parmi vous se sont rendus compte de leur misère ; aussi en serez-vous récompensés ». Et lorsqu’elle me reconnut à mon habit elle rit et dit : « Toi aussi tu t’es soumis au joug ? Et moi qui croyais que tu t’étais si bien préparé ! ». Avec ces paroles elle me fit venir les larmes aux yeux.

Sur ce, elle fit délier nos cordes, puis elle ordonna de nous attacher deux par deux et de nous conduire à l’emplacement qui nous était réservé d’où nous pourrions facilement voir la balance ; puis elle ajouta : « Il se pourrait que le sort de ceux-ci fût préférable à celui de plusieurs des audacieux qui sont encore libres ».

Cependant la balance, tout en or, fut suspendue au centre de la salle ; à côté d’elle on disposa une petite table portant sept poids. Le premier était assez gros ; sur ce poids on en avait posé quatre plus petits ; enfin deux gros poids étaient placés à part. Relativement à leur volume, les poids étaient si lourds qu’aucun esprit humain ne pourrait le croire ou le comprendre.

Puis la vierge se tourna vers les hommes armés, dont chacun portait une corde à côté de son épée et les divisa en sept sections conformément au nombre des poids ; elle choisit un homme dans chaque section pour poser les poids sur la balance, puis elle retourna à son trône surélevé.

Aussitôt, s’étant inclinée elle prononça les paroles suivantes :


Si quelqu’un pénètre dans l’atelier d’un peintre,
Et sans rien comprendre à la peinture
A la prétention d’en discourir avec emphase,
Il est la risée de tous.

Celui donc qui pénètre dans l’Ordre des Artistes
Et, sans avoir été élu,