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DEUXIÈME JOUR

Par contre mon voisin était un homme calme et de bonnes manières ; après avoir causé de choses très sensées il me dit enfin : « Vois, mon frère ; si en ce moment quelque nouvel arrivant voulait faire entrer tous ces endurcis dans le droit chemin, l’écouterait-on ? » — « Certes non », répondis-je ; — « C’est ainsi », dit-il « que le monde veut à toute force être abusé et ferme ses oreilles à ceux qui ne cherchent que son bien. Regarde donc ce flatteur et observe par quelles comparaisons ridicules et par quelles déductions insensées il capte l’attention de son entourage ; là-bas un autre se moque des gens avec des mots mystérieux inouïs. Mais, crois m’en, il arrivera un temps où l’on ôtera les masques et les déguisements pour montrer à tous, les fourbes qu’ils cachaient ; alors on reviendra peut-être à ceux que l’on avait dédaignés ».

Et le tumulte devint de plus en plus violent. Soudain une musique délicieuse, admirable, telle que je n’en avais entendue de ma vie, s’éleva dans la salle ; et, pressentant des événements inattendus, toute l’assemblée se tut. La mélodie montait d’un ensemble d’instruments à corde avec une harmonie si parfaite que j’en restai comme figé, tout absorbé en moi-même, au grand étonnement de mon voisin ; et elle nous tint sous son charme près d’une demi-heure durant laquelle nous gardâmes le silence ; du reste quelques-uns ayant eu l’intention de parler furent aussitôt corrigés par une main invisible ; en ce qui me concernait, renonçant à voir les musiciens je cherchais à voir leurs instruments.

Une demi-heure s’était écoulée lorsque la musique cessa subitement sans que nous eussions pu voir d’où elle provenait.

Mais voici qu’une fanfare de trompettes et un roulement de tambours éclatèrent à l’entrée de la salle et ils résonnèrent avec une telle maëstria que nous nous attendions à voir entrer l’empereur romain en personne. Nous vîmes la porte s’ouvrir d’elle-même, et alors l’éclat de la