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LES NOCES CHYMIQUES

l’a ordonné ainsi et nous ne devons pas lui désobéir. Si nous étions tous seigneurs et possesseurs des biens de la terre, qui donc nous servirait quand nous sommes à table ? ». À cela, sa mère ne répliqua rien.

Mais bientôt elle reprit : « Délivrez donc ceux-ci de leurs chaînes ». Cela fut fait rapidement et l’on me débarrassa presque le dernier. Alors, quoiqu’ayant observé d’abord la façon de se comporter de mes compagnons, je ne pus me retenir de m’incliner devant la vieille dame et de remercier Dieu, qui, par son intermédiaire, avait bien voulu me transporter de la ténèbre à la lumière, dans sa grâce paternelle. Les autres suivirent mon exemple et la dame s’inclina.

Enfin chacun reçut comme viatique une médaille, commémorative en or ; elle portait sur l’endroit l’effigie du soleil levant, sur l’envers, si ma mémoire est fidèle, les trois lettres D. L. S.[1].

Puis on nous congédia en nous exhortant à servir notre prochain pour la louange de Dieu, et à tenir secret ce qui nous avait été confié ; nous en fîmes la promesse et nous nous séparâmes.

Or, je ne pouvais marcher qu’avec difficulté, à cause des blessures produites par les anneaux qui m’avaient encerclé les pieds et je boîtais des deux jambes. La vieille dame s’en aperçut, en rit, me rappela et me dit : « Mon fils, ne t’attriste pas pour cette infirmité, mais souviens-toi de tes faiblesses et remercie Dieu qui t’a-laissé parvenir à cette lumière élevée, tandis que tu séjournes encore en ce monde, dans ton imperfection ; supporte ces blessures en souvenir de moi ».

À ce moment, les trompettes sonnèrent inopinément ; j’en fus tellement saisi que je m’éveillai. C’est alors seulement que je m’aperçus que j’avais rêvé. Toutefois, j’avais été si fortement impressionné que ce songe me préoccupe

  1. Deus Lux Solis vel Laus Semper : Dieu lumière du Soleil ou À Dieu louange toujours.