Page:Andreae - Les Noces chymiques, 1928, trad. Auriger.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LES NOCES CHYMIQUES

pour et le contre ; mais je n’arrivais qu’à constater ma faiblesse et mon impuissance. Me sentant incapable de prendre une décision quelconque, rempli d’effroi par cette invitation, je cherchai enfin une solution par ma voie habituelle, la plus certaine : je m’abandonnai au sommeil après une prière sévère et ardente, dans l’espoir que mon ange voudrait m’apparaître avec la permission divine pour mettre un terme à mes doutes, ainsi que cela m’avait été déjà accordé quelques fois auparavant. Et il en fut encore ainsi, à la louange de Dieu, pour mon bien et pour l’exhortation et l’amendement cordial de mon prochain.

Car, à peine m’étais-je endormi, qu’il me sembla que j’étais couché dans une tour sombre avec une multitude d’autres hommes ; et, là, attachés à de lourdes chaînes nous grouillions comme des abeilles sans lumière, même sans la plus faible lueur ; et cela aggravait encore notre affliction. Aucun de nous ne pouvait voir quoi que ce fût et cependant j’entendais mes compagnons s’élever constamment les uns contre les autres, parce que la chaîne de l’un était tant soit peu plus légère que celle de l’autre ; sans considérer qu’il n’y avait pas lieu de se mépriser beaucoup mutuellement, car nous étions tous de pauvres sots.

Après avoir subi ces peines pendant assez longtemps, nous traitant réciproquement d’aveugles et de prisonniers, nous entendîmes enfin sonner de nombreuses trompettes et battre le tambour avec un tel art que nous en fûmes apaisés et réjouis dans notre croix. Pendant que nous écoutions, le toit de la tour fut soulevé et un peu de lumière put pénétrer jusqu’à nous. C’est alors que l’on put nous voir tomber les uns sur les autres, car tout ce monde remuait en désordre, de sorte que celui qui nous dominait tantôt était maintenant sous nos pieds. Quant à moi, je ne restai pas inactif non plus mais je me glissai parmi mes compagnons et, malgré mes liens pesants, je grimpai sur une pierre dont j’avais réussi à m’emparer ;