Page:Andreae - Les Noces chymiques, 1928, trad. Auriger.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
PREMIER JOUR

À la lecture de cette lettre je faillis m’évanouir ; mes cheveux se dressèrent et une sueur froide baigna tout mon corps. Je comprenais bien qu’il était question du mariage qui m’avait été annoncé dans une vision formelle sept ans auparavant ; je l’avais attendu et souhaité ardemment pendant longtemps et j’en avais trouvé le terme en calculant soigneusement les aspects de mes planètes ; mais jamais je n’avais soupçonné qu’il aurait lieu dans des conditions si graves et si dangereuses.

En effet, je m’étais imaginé que je n’avais qu’à me présenter au mariage pour être accueilli en convive bienvenu et voici que tout dépendait de l’élection divine. Je n’étais nullement certain d’être parmi les élus ; bien plus, en m’examinant, je ne trouvais en moi qu’inintelligence et ignorance des mystères, ignorance telle que je n’étais même pas capable de comprendre le sol que foulaient mes pieds et les objets de mes occupations journalières ; à plus forte raison je ne devais pas être destiné à approfondir et à connaître les secrets de la nature. À mon avis, la nature aurait pu trouver partout un disciple plus méritant, à qui elle eût pu confier son trésor si précieux, quoique temporel et périssable. De même je m’aperçus que mon corps, mes mœurs extérieures et l’amour fraternel pour mon prochain n’étaient pas d’une pureté bien éclatante ; ainsi, l’orgueil de la chair perçait encore par sa tendance vers la considération et la pompe mondaines et le manque d’égards pour mon prochain. J’étais encore constamment tourmenté par la pensée d’agir pour mon profit, de me bâtir des palais, de me faire un nom immortel dans le monde et autres choses semblables.

Mais ce furent surtout les paroles obscures, concernant les trois temples, qui me donnèrent une grand inquiétude ; mes méditations ne parvinrent pas à les éclaircir, et, peut-être, ne les aurais-je jamais comprises si la clef ne m’en avait été donnée d’une manière merveilleuse. Ballotté ainsi entre la crainte et l’espérance, je pesais le