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LES NOCES CHYMIQUES

ne pouvait être différente. Je ferais d’ailleurs volontiers une besogne désagréable en signe de gratitude envers celui qui m’avait aidé à toucher au but. Mais, comme il me restait un souhait à formuler, je souhaitai de rentrer ; de cette manière, j’aurais délivré le gardien et mon souhait m’aurait délivré à mon tour.

On me répondit que ce souhait n’était pas réalisable, sinon, je n’aurais eu qu’à souhaiter la délivrance du gardien. Toutefois Sa Majesté Royale était satisfaite de constater que j’avais arrangé cela adroitement ; mais Elle craignait que j’ignorasse encore dans quelle misérable condition mon audace m’avait placé.

Alors le brave homme fut délivré et je dus me retirer tristement.

Ensuite mes compagnons furent appelés également et revinrent tous pleins de joie, ce qui m’affligea encore plus ; car j’étais persuadé que je terminerais mes jours sous la porte. Je réfléchissais aussi sur les occupations qui m’aideraient à y passer le temps ; enfin, je songeais, que, vu mon grand âge, je n’avais que peu d’années à vivre encore, que le chagrin et la mélancolie m’achèveraient à bref délai et que de cette manière ma garde prendrait fin ; que, bientôt je pourrais goûter un sommeil bienheureux dans la tombe.

J’agitais beaucoup de pensées de cette nature ; tantôt je m’irritais en pensant aux belles choses que j’avais vues et dont je serais privé ; tantôt je me réjouissais d’avoir pu participer, malgré tout, à toutes ces joies, avant ma fin et de ne pas avoir été chassé honteusement.

Tel fut le dernier coup qui me frappa ; ce fut le plus fort et le plus sensible.

Tandis que j’étais plongé dans mes préoccupations, le dernier de mes compagnons revint du cabinet du Roi ; ils souhaitèrent alors une bonne nuit au Roi et aux seigneurs et furent conduits dans leurs appartements.

Mais moi, malheureux, je n’avais personne pour m’ac-