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LES NOCES CHYMIQUES

remplit ses vaisseaux de soldats de belle prestance puis il prit place dans le nôtre où nous étions tous réunis. Les musiciens, dont le vieux seigneur possédait un grand nombre, vinrent en tête de notre flottille pour nous distraire. Les pavillons battaient les douze signes célestes ; le nôtre portait l’emblème de la Balance. Entre autres merveilles, notre vaisseau contenait une horloge d’une beauté admirable qui marquait toutes les minutes.

La mer était d’un calme si parfait que notre voyage était un véritable agrément ; mais l’attrait principal était la causerie du vieillard. Il savait nous charmer avec des histoires singulières au point que je voyagerais avec lui ma vie durant.

Cependant les vaisseaux s’avançaient avec une rapidité inouïe ; nous n’avions pas navigué pendant deux heures que le capitaine nous avertit qu’il apercevait des vaisseaux en tel nombre que le lac entier en était presque couvert. Nous en conclûmes qu’on venait à notre rencontre et il en était ainsi ; car dès que nous fûmes entrés dans le lac par le canal déjà nommé, nous aperçûmes environ cinq cents vaisseaux. L’un d’eux étincelait d’or et de pierreries ; il portait le Roi et la Reine ainsi que d’autres seigneurs, dames et demoiselles de haute naissance.

Dès que nous fûmes à proximité, on tira les batteries des deux côtés, et le son des trompettes et des tambours fit un tel vacarme que les navires en tremblèrent. Enfin quand nous les eûmes rejoints, ils entourèrent nos vaisseaux et stoppèrent.

Aussitôt le vieil Atlas se présenta au nom du Roi et nous parla brièvement mais avec élégance ; il nous souhaita la bienvenue et demanda si le cadeau royal était prêt.

Certains de mes compagnons étaient grandement surpris d’apprendre que le Roi était ressuscité, car ils étaient persuadés que c’étaient eux qui devaient le réveiller. Nous les laissions à leur étonnement, en faisant semblant de trouver le fait également très étrange.