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LES NOCES CHYMIQUES

obsédé par la pensée de pouvoir redevenir jeune et j’étais un peu plus triste à cause de cela. La vierge s’en aperçut fort bien et s’écria :

« Je sais bien ce qui manque à ce jouvenceau. Que gagez-vous qu’il sera plus gai demain, si je couche avec lui la nuit prochaine ? »

À ces mots elles partirent d’un éclat de rire et quoique le rouge me montât au visage, je dus rire moi-même de ma propre infortune. Mais l’un de mes compagnons se chargea de venger cette offense et dit :

« J’espère que non seulement les convives, mais aussi tes vierges ici présentes ne refuseront pas de témoigner pour notre frère et certifieront que notre présidente lui a formellement promis de partager sa couche cette nuit ».

Cette réponse me remplit d’aise ; la vierge répliqua :

« Oui, mais il y a mes sœurs ; elles ne me permettraient jamais de garder le plus beau sans leur consentement ».

— « Chère sœur », s’écria l’une d’elles, « nous sommes ravies de constater que ta haute fonction ne t’a pas rendue fière. Avec ta permission, nous voudrions bien tirer au sort les seigneurs que voici, afin de les partager entre nous comme compagnons de lit ; mais tu auras, avec notre consentement, la prérogative de garder le tien ».

Cessant de plaisanter sur ce sujet nous reprenions notre conversation ; mais notre vierge ne put nous laisser tranquilles et recommença aussitôt :

« Mes seigneurs, si nous laissions à la fortune le soin de désigner ceux qui dormiront ensemble aujourd’hui ? »

— « Eh bien ! » dis-je, « s’il le faut absolument nous ne pouvons refuser cette offre ».

Nous convînmes d’en faire l’expérience aussitôt après le repas ; alors aucun de nous ne voulant s’y attarder plus longtemps, nous nous levâmes de table ; de même nos vierges. Mais notre présidente nous dit :

« Non, le temps n’en est pas encore venu. Voyons cependant comment la fortune nous assemblera ».