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voyage du condottière

bres et des cornes, le cri du fer et le grondement des roues font une clameur vraiment infernale.

Masse d’une laideur insigne, c’est un dé trop haut pour la largeur, percé d’un trou en diapason ou en U renversé. On ne sait, d’abord, ce que veut dire ce portail qui monte jusqu’aux combles. Ce n’est pas une maison, en dépit des fenêtres qui l’encadrent ; ni un arc de triomphe : le ciel ni la lumière ne l’habitent. Ce n’est qu’une porte, une arche maigre qui prend toute la hauteur de la façade. Et de quelles pauvres colonnes elle est flanquée, lourdes et étiques, plates et vulgaires, en deux ordres, l’un sur l’autre juché.

Rien qui dissimule la laideur de l’ouvrage. La disgrâce s’étend jusqu’à la matière qui, à tout édifice sagement conçu, donne du prix et un poids de respect. Le treillis de fer et de verre blesse les yeux dans toutes les perspectives ; la matière même a l’air de mentir : est-ce de la pierre ? Est-ce du marbre, ou du carton peint ? Toute la lourdeur de ce cube évidé ne fait pas que le monument paraisse bien assis, ni durable. Sous la voûte de verre, l’énorme baie, en gueule de requin, porte la place du Dôme à la place voisine : la Galerie est le tube où Jonas se promène, une gare sans rails, ni voies, ni trains. Voici une bâtisse démesurée qui se borne à servir de passage. Or, la foule y piétine.

Elle grouille de peuple, à toute heure. Il y règne un luxe épais. La Galerie est pleine de magasins, de boutiques, de cafés. Les pas des promeneurs, le talon de ceux qui se hâtent, la voix de ceux qui demeurent, les appels, le cliquetis des verres et des cuillères dans les tasses, tous ces rayons sonores engendrent une sphère de bruit, où l’on reste assourdi. Un peu partout, des échos retentissent. Le luxe vulgaire de la Galerie répond au faste de la façade : la pierre de taille est sale ; les membres de l’édifice sem-