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voyage du condottière

femmes à la dragonne et un regard railleur le met au supplice. Il se moque de la chasteté, et il avoue que ses plus belles passions ont été pour des femmes qu’il n’a pas eues. Il semble ne viser que le fait solide ; et il connaît tous les retards et toutes les tortures de l’imagination.

L’homme le plus libre, et comme Montaigne, un homme de tous les temps. Païen de raison, et de sens catholique, il ne souffre aucune contrainte. Telle est la règle de ce Moi parfait : tout ce qui fait obstacle au libre jeu du héros, il le déteste ; il tient pour bon tout ce qui aide l’homme à réaliser sa propre nature. L’homme enfin et le héros ne se séparent point à ses yeux. Le héros d’amour est celui qu’il préfère. Pour Stendhal, un homme incapable de passion, ou sans énergie à s’y livrer, n’est rien du tout.

Il vit pour vivre. C’est pour être lui-même qu’il aime et qu’il écrit. L’Italie est son climat, lui ayant paru que l’Italie est le climat le plus favorable à la vie.

Tous les jougs lui sont odieux. Il les brise, à mesure qu’il les rencontre. Dans la religion, il exècre premièrement le joug de la raison. Il juge la famille, l’état, la province, le monde et les siècles. Il se fait une époque, et un lieu de ce qu’il rencontre de plus passionné et de plus libre dans tous les pays et dans tous les âges. Dupe de rien, il veut l’être de la passion.

Il a donc le sens profond de l’art : il sait que l’art est, d’abord, une ivresse de la vie. Il sait que, dans la douleur même, l’art cherche une volupté ; et que l’artiste est le héros de la jouissance. Ce monde-ci veut qu’on en jouisse à l’infini.

Il a ses fortes tristesses, qu’il montre à ses amis ; et qu’il cache dans ses livres. L’esprit chez lui est le masque des passions. Il