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voyage du condottière

nuages en forme de manteaux où il vente, des enfants, ni filles, ni garçons, ni amours, ni anges, d’un âge indécis entre l’enfance et la puberté, portent de robustes vieillards aux lèvres ivres et aux regards mouillés : ce sont les Quatre Évangélistes, du plus étrange effet. Quelques-uns de ces androgynes sont charmants, comme on dit, pris à part ; mais d’ensemble, l’œuvre ne laisse point d’être équivoque : elle répugne à l’imagination, bien plus qu’elle ne la trouble.

À San Giovanni, une troupe d’Aristotes frisés a quitté l’École d’Athènes pour danser le menuet au plafond. Ce type d’homme règne insupportablement dans Corrège, lequel Aristote est lui-même une image bellâtre du Jupiter antique. Tous, ils ouvrent sur le ciel des yeux énormes, pour ne rien voir. Tous, pour ne rien dire, ils ouvrent la bouche. Ils ont des pectoraux doubles, et double bande de muscles aux bras ; mais ils sont mous. Ils crient : ce qui ne vaut pas la peine d’être dit, se chante jusqu’à l’ut de poitrine. Les crânes sont pleins du vent qui gonfle ces chevelures bouclées. Pas ombre de pensée au front de ces agneaux olympiens. Étant nus, ils nagent dans le coton des nuages. Ils montrent on ne sait quoi avec leurs doigts tendus, aux phalanges expressives : ils jouent à la moure, peut-être ? Et toujours, partout, des enfants nus et fort bien faits leur grimpent entre les jambes, leur pincent le dos, leur grattent les épaules. Ce gueux de Méphistophélès, passant par là, finit par leur crier : « Hé, un peu plus bas ! descendez ! Laissez-vous faire ! Ils sont par trop appétissants, ces petits fripons ! »[1]

Il faut nommer toutes ces œuvres le sublime du joli.

Ô Parme, où sont tes violettes ? Nulle part, je n’en trouve.

  1. Gœthe, Second Faust, Acte V, scène VI.