Page:Andre Cresson - La Philosophie francaise.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE

mais ne réussit pas à se faire comprendre, les « galimatias doubles » où l’auteur ne sait pas ce qu’il veut dire et entasse des mots comme s’il comprenait ce qu’il dit. Cette horreur de l’obscur nous a fait accuser quelquefois de manquer de profondeur. Mais ceux qui nous en accusaient ne se croyaient peut-être profonds que parce qu’ils avaient l’esprit embrumé par les fumées de leur bière, de leur tabac, voire de leur opium.

De certitude ensuite. « Savoir vraiment, c’est savoir qu’on sait ce qu’on sait et qu’on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. » Vieille formule qui date de Confucius. Ne la croyons pas périmée. Le propre de l’erreur est de se croire vérité. Pas d’erreur qui ne soit occasionnée par une ignorance, puisqu’un être qui saurait tout ne se tromperait jamais. Mais pas d’erreur qui s’explique exclusivement par une ignorance. L’ignorant qui sait qu’il ignore se garde de rien affirmer objectivement ; il évite ainsi l’erreur. Celui qui se trompe, c’est celui qui croit savoir ce qu’il ignore ou ne fait que croire et qui l’affirme comme s’il le savait en effet. Savoir distinguer ce qui est chez nous science réelle, ignorance réelle, soit inévitable, soit passagère, enfin simple croyance, voilà le vrai moyen de ne pas se tromper. Ce moyen-là, les philosophes français l’ont tôt connu. Beaucoup en ont usé avec perspicacité et modestie. Tous ont voulu que les propositions qu’ils avançaient fussent fondées sur des preuves d’un caractère incontestable. Quand ils ont jugé la chose impossible, ils l’ont avoué sans honte : ils se sont baptisés eux-mêmes « les philosophes ignorants » ou ils ont exposé leur doctrine sous la forme d’une confession personnelle.

De l’ordre enfin. On ne voit nettement un ensemble que quand ses éléments sont classés. Un groupe