Page:Andre-Chermy-Amour de Singe-1924.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 47 —

Tandis que Samuel se rendait chez Gaston, le professeur Valentin Troubelot gagnait, en compagnie de son sujet exceptionnel, la demeure de la jeune femme qu’il estimait désignée par la Providence pour servir à son expérience de croisement des races humaine et simiesque.

Il avait préparé son sujet depuis la veille, lui donnant une nourriture spéciale, afin qu’il fût bien en forme et ne trompât pas les espérances qui étaient fondées sur lui.

Le savant avait d’ailleurs toute confiance. Joko (c’était le nom de l’animal) était très doux et très obéissant, et, de tous ses congénères hébergés par le professeur, il était certainement le plus intelligent. Son maître ne doutait pas qu’il justifiât le choix extraordinaire dont il était l’objet.

Le brave quadrumane ne se rendait nullement compte de l’honneur qui allait lui échoir. Assis dans le taxi à côté de Valentin Troubelot, il regardait avec ahurissement à travers la portière le spectacle de la rue.

— Pourvu, se disait le professeur, qu’elle s’y trompe bien.

« Joko est tout de même différent. Il est un peu plus petit. Et il n’aura certainement pas la même allure que celui qu’il va remplacer. Mais je la préviendrai qu’il n’est pas encore tout à fait remis de la commotion ressentie par suite de la poursuite dont il a été l’objet et je mettrai ses étrangetés sur le compte d’un état nerveux.

Amélie fut étonnée lorsqu’on vint lui annoncer qu’un Monsieur la demandait, « avec un singe ».

— Comment, se dit-elle, serait-ce Gustave avec Loulou… déjà ?

Cependant elle ordonna à sa femme de chambre de faire entrer le visiteur.

— Madame, lui dit Valentin Troubelot, je viens de la part de M. Gaston Raboulet vous ramener votre singe…

— Mon singe ? répondit Amélie.

Elle regardait l’animal :

— C’est Loulou ?… Mais je ne le reconnais pas…

— C’est bien lui pourtant… Vous ne voudriez pas que c’en fût un autre…

Et, avec beaucoup d’aplomb, il se tourna vers le singe, disant :

— Voyons, Loulou, vous ne reconnaissez pas votre maîtresse.