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LE GOUVERNEUR

tête sur l’épaule et fit un geste des bras — je ne sais vraiment que dire : maman gémit, tu parles de mort, pourquoi tout ça ? Comment n’as-tu pas honte, papa ? Je t’ai toujours connu ferme et sensé, et maintenant tu raisonnes comme un enfant ou une femme nerveuse… Pardonne-moi, mais je ne te comprends pas…

Il n’était pas nerveux, lui, et ne ressemblait pas à une femme, ce jeune et bel officier aux joues roses et rasées de près, aux mouvements assurés et calmes de l’homme qui non seulement se respecte, mais s’honore même. Quand il était en compagnie, il lui semblait qu’il était seul et qu’il n’y avait personne autour de lui ; il fallait la présence d’un personnage très important, d’un général au moins, pour qu’il éprouvât le léger embarras, la petite gêne que produit habituellement le contact avec d’autres gens. Il aimait les sports, nageait bien ; l’été, quand il se baignait dans la Néva, à la piscine commune, il étudiait son corps avec attention et calme, tout comme s’il eût été seul. Un jour, un Chinois était survenu, que tout le monde avait examiné avec cu-

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