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LE GOUVERNEUR

raient l’une contre l’autre. Puis venaient une place déserte, des débris de clôture, un puits abandonné, autour duquel la terre s’était affaissée, des tilleuls immenses derrière un haut mur à demi démoli, enfin une grande maison seigneuriale, bâtie on ne sait par qui dans cet endroit perdu, et depuis longtemps inhabitée ; les volets étaient clos et elle portait un petit écriteau en fer, rouillé par le temps : « Maison à vendre. » Plus loin s’élevaient encore de petites constructions, puis une série de trois hauts bâtiments de briques, sans ornements, aux rares fenêtres enfoncées. Ils étaient encore neufs, on voyait le plâtre mal séché ; les trous creusés par les échafaudages n’étaient pas comblés, mais les maisons étaient déjà sales, abandonnées. On aurait dit une prison, et la vie de leurs occupants devait être triste, enfermée, désespérante, comme celle des prisonniers.

On arrivait à la dernière masure, autour de laquelle il n’y avait ni arbre, ni haie ; elle était toute inclinée en avant, les murs aussi bien que le toit, comme si on l’eût poussée par derrière ; il n’y avait personne aux fenêtres ni à la porte.