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LE GOUVERNEUR

un mouchoir blanc agité, des coups de feu, du sang. Des détails inutiles lui revenaient, la manière dont il avait préparé son mouchoir pour faire signe par exemple. Il l’avait sorti de sa poche, roulé en une petite pelote dure, et l’avait placé dans sa main droite ; puis il l’avait déplié avec précaution et vivement agité, non pas en haut, mais en avant, comme s’il eût lancé quelque chose, comme s’il eût lancé des balles. Et c’est alors qu’il avait franchi un seuil invisible et qu’une porte de fer s’était fermée pour toujours sur lui, avec un grincement de verrous rouillés.

— Ah ! c’est vous, Léon Andréiévitch ! Ce n’est pas trop tôt, je vous attends depuis longtemps.

— Excusez-moi, Pierre Ilitch, mais on ne peut rien trouver, dans cette infecte bourgade 1

— Eh bien, allons, allons ! Ah ! écoutez ! — le gouverneur s’interrompit et reprit d’un air énervé, en arrondissant la bouche : « Pourquoi y a-t-il une telle saleté dans tous les bâtiments de l’État ? Prenez notre chancellerie, par exemple, ou encore la direction de la gendarmerie,

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