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LE GOUVERNEUR

ressembler à celles d’une caserne ou d’un greffe de prison. Aux trois fenêtres les plus rapprochées du balcon, les vitres avaient été remplacées, mais elles étaient sales et gardaient des traces visqueuses de doigts et de paumes ; sans doute, personne parmi la valetaille nombreuse et fainéante n’avait eu l’idée de les laver, pour anéantir tout vestige de ce qui s’était passé. Et il en était toujours ainsi : les ordres étaient exécutés, mais personne n’aurait rien fait de sa propre initiative.

— Il faut laver cela aujourd’hui même ! Quelle horreur !

— Bien, Excellence !

Le gouverneur aurait voulu aller sur le balcon, mais il ne lui était guère agréable d’attirer l’attention des passants ; au travers des vitres crasseuses, il se mit à regarder la place sur laquelle se pressait alors la foule, où les coups de feu avaient retenti et où quarante-sept personnes agitées s’étaient transformées en cadavres immobiles, placés épaule contre épaule, visages vers le ciel, comme pour une revue.

Tout était calme. Devant la fenêtre se dres-