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LA VIE EST BELLE BOUE LES RESSUSCITÉS

que les ténèbres de la nuit vous entourent et absorbent les voix du jour ?

Que de monuments riches et pauvres ! Que de places muettes, anonymes !

Mais la nuit est-elle nécessaire pour aller au cimetière ? Le jour, le jour bruyant et affairé ne suffit-il pas ?

Regardez en votre âme, et, fût-ce le jour, fût-ce la nuit, vous y trouverez un cimetière, un petit cimetière avide où sont enfouies beaucoup de choses. Et vous entendrez un chuchotement mélancolique et atténué, l’écho des plaintes anciennes ; le mort qu’on enterrait vous était cher et vous ne parveniez pas à l’oublier, ni à ne plus l’aimer. Vous verrez des inscriptions à demi effacées par les larmes et des tombes obscures et paisibles, petits monticules effrayants qui recouvrent tout ce qui a été vivant. Vous ne vous en doutez pas, vous n’avez pas remarqué cette mort. Pourtant c’était peut-être ce qu’il y avait de meilleur en votre âme…

Mais pourquoi dis-je : « Regardez dans votre cimetière ? » Vous le faites sans que je vous le conseille, même tous les jours qui remplissent la

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