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NOUVELLES

De toi seule, ma mie, larmoyait le ténor.

Ma mie, affirmait toujours tendrement le baryton.

Et je mourrai, en maudissant la vie, avec ton seul souvenir

Ton seul souvenir… répéta le baryton, avec une angoisse profonde. Et tout se tut. En avant de moi, silencieux et immobile, se tenait le jeune couple, comme figé, et, quand la chanson cessa, ils soupirèrent ensemble et s’embrassèrent. Je retournai au hangar, où une voix horriblement fausse se faisait entendre, une voix qui ne disposait que de deux notes, également hideuses :

Le jeune homme au cœur d’or ne pouvait rester indifférent à l’appel amoureux et il répondait, comme il pouvait :

Il ne me faut rien au monde.

Rien que ta vue

— Mensonge ! sifflait le vieillard, tâchant de couvrir la voix de son compagnon. Tu as besoin de coups de bâton !

Pauvre vieillard ! Maintenant je compris, pourquoi il se fâchait. Il enviait, comme moi.

La sonnerie retentit qui annonçait l’approche