Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
EN ATTENDANT LE TRAIN

égaré, quand soudain les arbres s’écartèrent, puis disparurent et, à quelques pas de là, dans une éclaircie, les rails mouillés brillèrent d’un éclat amorti.

Une station minuscule consistant en un simple hangar, enserrée par la forêt environnante et troublée à chaque instant par le passage des trains bruyants, se tassait timidement au ras de terre ; il n’y avait même pas de bureau et un seul réverbère solitaire y agonisait, luttant vainement contre les ténèbres, et ne réussissant qu’à les faire paraître plus épaisses. Au mur pendait un grand horaire, aux bords déchirés, que personne ne lisait jamais, et couvert de lignes compliquées. Dans le coin, un banc unique ; je m’y assis lourdement. Comme j’avais plus d’une heure devant moi, je me préparai à attendre patiemment le train. En prévision de cas semblables, j’ai, d’ordinaire toujours sur moi un journal ou un livre, mais il faisait trop sombre pour lire et d’ailleurs, cette fois-ci, je n’en avais pas. Les hommes qui n’étaient étrangers, dont parlerait ce journal, provoquaient depuis longtemps chez moi l’ennui ou la convoitise. Que m’importait l’éloquence que