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NOUVELLES

culier dans les chemins étroits et enchevêtrés qui coupaient les villas. Le milieu de la route était à peu près visible, mais les côtés où serpentait le sentier suivi par les piétons, se trouvaient dans l’ombre des grands arbres — et me semblaient noirs comme mon âme. À ce moment de la soirée il aurait dû faire plus clair — on était aux derniers jours de juin — mais un orage violent accompagné de rafales et d’une pluie torrentielle venait de cesser : les nuages plus espacés ne se dissipaient pas encore, comme s’ils avaient eu autant de peine que moi à se mouvoir dans cette atmosphère chaude et moite. Par instants, ils se ravisaient, et, tel un ivrogne, se rappelant qu’il a encore cinq copecks dans sa poche, revient sur ses pas et jette avec fracas sa monnaie au marchand de vin surpris, ils laissaient tomber quel ques rares gouttes attardées, qui frappaient paresseusement l’herbe et les feuilles avec un bruissement sourd. Les arbres ne s’agitaient pas mais, lorsque je buttais de l’épaule contre quelque tronc, ou que mon pied se prenait dans un buisson, des gouttes nombreuses et tièdes misse laient sur moi. Déjà l’idée me venait que j’étais