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LE CADEAU

un petit chien jeté à l’égout. La veille encore, il aurait pu voir le cadeau de ses yeux qui s’éteignaient ; son cœur enfantin en aurait été réjoui, son âme se serait envolée vers le ciel sans douleur, sans effroi, sans l’angoisse terrible de la solitude.

Sazonka se roula sur le sol en pleurant, les mains plongées dans son épaisse chevelure. Il sanglota, et levant les bras vers le ciel, il chercha péniblement à se justifier :

— Mon Dieu ! ne sommes-nous donc pas des hommes ?

Il tomba la face contre terre, sur sa lèvre fendue, et se figea dans un accès de douleur muette. Les petites pousses d’herbe lui chatouillaient doucement le visage ; une odeur apaisante et forte montait du sol humide, dégageant une énergie puissante, un appel passionné à la vie. Mère éternelle, la terre prenait sur son sein le fils coupable et abreuvait son cœur douloureux avec la chaleur de son amour et de son espérance.

Au loin, dans la ville, les carillons de fête sonnaient gaiement.