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NOUVELLES

traversaient ses paupières closes ; très haut dans l’azur, une alouette chantait. Il faisait bon respirer sans penser à rien. Les eaux avaient déjà baissé et le ruisseau, retiré très loin le long de l’autre rive, avait laissé derrière lui les vestiges de sa violence : d’énormes glaçons poreux couchés les uns sur les autres, dressés en triangles blancs vers les rayons ardents et impitoyables qui les tranperçaient et les rongeaient. Dans son engourdissement, Sazonka remua son bras qui se

posa sur quelque chose de dur enveloppé d’étoffe.

C’était le cadeau.

Se redressant brusquement, Sazonka s’écria :

— Mon Dieu ! qu’est-ce donc ?

Il avait complètement oublié son paquet ; il le considérait avec des yeux effrayés, comme si l’objet était venu de lui-même se poser à côté de lui ; il eut peur d’y toucher, une pitié aiguë et tumultueuse, une fureur violente se firent jour en lui. Il regarda le mouchoir d’indienne et se représenta comment Sénista l’avait attendu le premier jour de fête, puis le second et le troisième, comme il s’était tourné vers la porte pour voir entrer le visiteur. L’enfant était mort solitaire, oublié, tel