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NOUVELLES

regards se posèrent fixes et immobiles sur le visage mort de Sénista. Il eut conscience au même instant du froid terrible qui régnait dans la pièce, et il vit tout ce qui l’entourait. Si brillant que fût le soleil, au travers de la fenêtre, le ciel semblait toujours gris et froid comme en automne. Par moments, on ne sait où, une mouche bourdonnait ; des gouttes d’eau tombaient une à une, avec une vibration plaintive qui tremblotait longtemps en l’air.

Sazonka recula d’un pas et dit à haute voix :

— Adieu, Sénista Eroféiévitch !

Puis il s’agenouilla, toucha du front le plancher et se leva.

— Pardonne-moi, Sénista Eroféiévitch ! reprit-il toujours distinctement ; de nouveau, il tomba à genoux et inclina le front à terre jusqu’à ce que la tête lui fît mal.

La mouche ne boudonnait plus et il régnait un silence pareil à celui qui ne se fait que là où il y a un mort. À intervalles égaux, des gouttes tombaient dans un récipient de cuivre, elles tombaient et pleuraient doucement, paisiblement…