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PRÉFACE

en train de jouer. Il avait déjà engraissé, bien qu’il ne mangeât fresque pas, faute de temps. C’est qu’il avait des affaires par-dessus la tête ! Il se baignait quatre fois par jour, se taillait des lignes pour la pêche, faisait de longues promenades, chevauchait, les palissades, grimpait aux arbres, se roulait dans l’herbe. Et combien d’autres occupations encore !… La cuisinière ayant ouvert la lettre pleura longuement, puis elle alla expliquer à son maître de quoi il s’agissait : le coiffeur réclamait son apprenti, il fallait partir. On appelle Petka et on lui annonce la nouvelle ; l’enfant sourit tout confus et garde le silence. Il ne comprend pas, il a oublié complètement la ville, car maintenant il a trouvé l’endroit où il désirait si souvent aller. « Il faut retourner chez ton patron », répète le maître avec douceur. Petka se tait toujours ; enfin il demande, la bouche sèche, mouvant la langue avec difficulté : « Et la pêche demain ? ma ligne est prête »

Mais peu à peu ses pensées deviennent plus nettes, et un trouble étrange se produit dans ses idées. Le coiffeur, c’est la réalité, et la pêche du lendemain n’est plus qu’un vain rêve.

Alors Petka stupéfia sa mère, il bouleversa le maître et la maîtresse de maison, et il se fût étonné lui-même, s’il avait été capable de s’analyser : a il ne pleura pas simplement, comme