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LE CADEAU

flaques par bonds démesurés et se joignait aux jeux des enfants que sa vigueur stupéfiait. Puis il se reposait ; un jour il dit aux marmots :

— Vous savez, Sénista est encore à l’hôpital.

Intéressés par le jeu, les enfants accueillirent la nouvelle avec froideur et indifférence.

— Il faut lui porter un cadeau. Je veux lui en porter un… continua Sazonka.

Le mot « cadeau » fit dresser quelques oreilles. Michka, le « petit porc », tenant d’une main son pantalon et de l’autre son jouet, conseilla gravement :

— Donne-lui deux sous !

C’était la somme que le grand-père avait promise à Michka et qui lui semblait le comble de la félicité humaine. Mais le temps manquait pour discuter la question du cadeau. Sazonka rentra chez lui toujours en courant et se remit au travail. Ses yeux s’étaient gonflés, son teint était devenu jaune et blême comme celui d’un malade ; les taches de rousseur sur le nez et autour des yeux paraissaient plus nombreuses et plus foncées qu’autrefois. Seuls les cheveux soigneusement peignés lui faisaient toujours la même coiffure