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NOUVELLES

tard, la tablette jonchée de morceaux d’étoffe et de ciseaux, brillait d’un éclat aveuglant ; et il faisait si chaud qu’il fallait ouvrir la fenêtre comme en été. Alors avec cette onde d’air frais et fort, apportant une odeur de fumier, de boue sèche et de bourgeons prêts à s’épanouir, entrait une mouche folâtre encore faible, avec le bruit des mille voix de la rue. En bas, sur le talus, les poules picoraient en gloussant de béatitude et se prélassaient dans les mares ; de l’autre côté de la rue, où le sol était déjà sec, des enfants jouaient aux osselets ; leurs rires joyeux et sonores, les coups des disques de métal vibraient pleins de fraîcheur. Il ne passait pas beaucoup de voitures dans ce coin du faubourg ; très rarement, un paysan des environs conduisait par là sa charrette, qui cahotait dans les ornières profondes, encore pleines de boue liquide, et toutes les parties du véhicule rendaient un son de bois entre-choqué, évocateur de l’été et de l’étendue des champs.

Lorsque Sazonka commençait à avoir mal aux reins et que ses doigts raidis ne pouvaient plus tenir l’aiguille, il s’en allait en courant dans la rue, pieds nus et sans ceinture, franchissait les