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PRÉFACE

rêve de pouvoir lui ressembler un jour. En attendant, comme il est le plus jeune dans la boutique, comme il est le bouc émissaire des clients et que le patron le gifle souvent, il voudrait bien aller ailleurs, où ?… il ne sait… dans un endroit dont il ne peut rien dire, ni la nature, ni l’emplacement.

Mais personne ne l’emmène. Du matin au soir Petka entend toujours le même cri saccadé : a Garçon, de l’eau ! » Et il en apporte, sans cesse, car il n’y a pas de jours fériés. Il maigrit, il est sale et il a toujours l’air endormi. Enfin il ne sait plus s’il veille ou s’il rêve…

Mais voici qu’un matin sa mère, la cuisinière Nadéjda, annonce au coiffeur que ses maîtres l’autorisent à emmener Petka à la campagne, pour quelques jours. Le patron consent à le laisser partir. Étourdi de surprise, Petka se laisse conduire ; il n’a jamais vu la campagne et brûle de la connaître.

Dès que le train part, il colle son visage à la portière et sa tête rasée se meut sur son cou mince comme sur un pivot. Il court d’un bout à l’autre du compartiment, posant avec confiance sa petite main sale sur l’épaule ou les genoux des voyageurs inconnus, qui grognent ou lui répondent par un sourire.

À la fin de la semaine, on apporta une lettre pour la cuisinière. Petka était derrière la maison

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