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BERGAMOTE ET GARASKA

il fallait mener cet ivrogne au poste. Ah ! les mains lui démangeaient ; mais il avait en même temps le sentiment qu’en un si grand jour de fête, il serait un peu déplacé de s’en servir. Il se contint donc. Garaska marchait avec courage, mêlant d’une façon étonnante la douceur à l’assurance et même à l’insolence. Il avait une arrière-pensée qu’il commença à exposer par la méthode socratique :

— Dites-moi, monsieur le sergent de ville, quel jour sommes-nous aujourd’hui ?

— Tu ferais mieux de te taire ! répondit Bergamote. Dire que tu as pu te saoûler avant le jour !

— Les cloches de Saint-Michel-l’Archange ont-elles sonné ?

— Oui. Qu’est-ce que cela peut te faire ?

— Christ est donc ressuscité ?

— Oui.

— Alors, permettez-moi…

Garaska, qui marchait côte à côte avec l’agent, tourna vers lui son visage. Bergamote, intrigué par les questions de l’ivrogne, lâcha machinalement le col graisseux. Garaska, privé de son point