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BERGAMOTE ET GARASKA

il il disparaissait on ne sait où ; il revenait avec le premier souffle du printemps. Ce qui l’attirait à la rue Pouchkari où tout le monde le battait, sauf ceux qui étaient trop paresseux pour le faire, c’était le secret de son âme insondable. On n’était pas parvenu à se débarrasser de lui. On supposait, non sans raison, qu’il volait où il pouvait ; mais on ne l’avait jamais pris sur le fait et on ne le battait que sur des soupçons.

Cette fois-ci, Garaska avait visiblement passé un mauvais quart d’heure. Les guenilles qui feignaient de couvrir son corps décharné étaient couvertes d’une boue encore humide. Son visage, dont le grand nez rouge et pendant était certainement une des causes de son instabilité, et où poussait une végétation maigre et inégalement distribuée, portait les traces de relations intimes avec l’alcool et avec le poing d’autrui. Sur la joue, tout près de l’œil, se montrait une égratignure de date récente.

Enfin, l’ivrogne parvint à se séparer de son réverbère. Remarquant la silhouette majestueuse de Bergamote, Garaska exprima sa joie.

— Mes respects ! Ivan Akindinitch ! Comment