habituel s’enivrait, tapageait un peu, couchait au poste ; mais tout se passait dans les règles, tandis que Garaska, lui, agissait en sourdine, avec malice. On avait beau le rouer de coups jusqu’à ce qu’il fût à moitié mort, on avait beau ne rien lui donner à manger au violon, jamais on n’était parvenu à le faire taire ; il continuait à jurer de la manière la plus offensante, la plus caustique. Il se plaçait sous les fenêtres des habitants les plus respectables et se mettait à déblatérer, sans rime ni raison. Les serviteurs et les employés se saisissaient de lui et le battaient ; la foule riait en recommandant de mettre plus d’ardeur à la besogne. Quant à Bergamote, Garaska l’injuriait d’une façon si fantastique et si cruelle que le sergent de ville, quoiqu’il ne comprît pas tout le sel des invectives de l’ivrogne, se sentait plus humilié que si on l’eût frappé avec des verges.
La profession de Garaska était un des nombreux mystères dont son existence était entourée. Personne ne l’avait jamais vu à jeun. Il vivait, c’est-à-dire il gîtait dans les jardins potagers, sur les rives du fleuve, sous les buissons. En hiver,