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BERGAMOTE ET GARASKA

coin de la rue Pouchkari et de la troisième Possadsky. Il était de mauvaise humeur. Le lendemain était le jour de Pâques ; les gens allaient à l’instant se rendre à l’église ; lui, il devait rester là jusqu’à trois heures du matin ; il ne rentrerait chez lui qu’au moment du premier repas gras après le grand carême. Bergamote n’éprouvait aucun besoin de prier ; mais l’atmosphère sereine des jours de fête, répandue dans la rue extraordinairement calme et paisible, l’influençait tout de même. L’endroit où, pendant une dizaine d’années, il avait stationné chaque jour, sans se lasser, ne lui plaisait plus. Il avait envie de faire quelque chose de spécial, ce qu’on fait les jours de fête. L’impatience et le mécontentement commencèrent vaguement à l’envahir. Et puis, il avait faim. Sa femme ne lui avait rien donné à manger de la journée ; il avait dû se contenter de pain émietté dans du kvass. Son gros ventre réclamait impérieusement de la nourriture, et l’heure du déjeuner était encore si lointaine :

— Tfou ! cracha Bergamote, et, roulant une cigarette, il se mit à la sucer à contre-cœur. À la maison, il en avait d’excellentes, cadeau d’un