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NOUVELLES

Grand, gros, fort, la voix retentissante, Berga­mote était une personnalité de marque dans les milieux policiers ; et il se serait certainement élevé a une certaine position si son âme, étouffée sous une épaisse enveloppe, n’avait été plongée dans un sommeil profond. Les impressions de l’extérieur, passant dans l’intellect de Berga­mote par ses petits yeux noyés dans la graisse, perdaient en route toute leur force ; en arrivant à leur but, elles n’étaient plus que de faibles échos et de pâles reflets. Les difficiles l’auraient qualifié de « bloc de chair » ses inspecteurs de police l’appelaient « bûche », bien que ce fût une bûche agissante. Quant aux Pouchkaris, les premiers intéressés, ils le considéraient comme un homme sérieux et posé, digne de tous les hon­neurs et de tous les respects. Ce que Bergamote savait, il le savait bien. Ainsi les « instructions pour les sergents de ville », jadis apprises au prix d’efforts inouïs, étaient si profondément im­plantées dans son cerveau qu’il était impossible de les en arracher, même avec l’eau-de-vie la plus forte. Quelques autres vérités, acquises par l’expérience de la vie et qui régnaient en sou-