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PRÉFACE

du récit. Tout ce drame compliqué qui se joue dans le crépuscule d’une intelligence prête à s’éteindre est reconstitué par l’auteur avec une rare puissance. Cette étrange œuvre eut l’honneur de provoquer une séance spéciale des psychiatres de Saint-Pétersbourg. Les érudits discutèrent durant de longues heures la mentalité du héros de l’œuvre d’Andréief. Les opinions des célébrités du monde médical russe se partagèrent ; on ne put se mettre d’accord. Les journaux, les revues en parlèrent longuement.

Ce fut pour Andréief la fin des journées de famine et le commencement de la notoriété.


Ainsi, il se révéla d’emblée comme un merveilleux psychologue de la souffrance. Une sensibilité morbide, une ironie froide et désenchantée, une vision hallucinante des anomalies et des horreurs de l’existence, tels sont les caractères dominants de son œuvre. Ses personnages sont des êtres meurtris dans la lutte pour la vie, atteints d’une paralysie complète ou partielle de la volonté. Trop faibles pour réagir contre les exigences de la réalité, ils se replient sur eux-mêmes et arrivent fatalement aux conclusions les plus désolantes, aux