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L’ÉTRANGER

vains. Et il avait surtout pitié de Karouef, cet homme énergique et hardi qui se débattait, et dont le caractère était devenu sombre et inégal les derniers temps.

— Allons, lui dit un jour Tchistiakof.

— Où ? demanda Karouéf distrait.

— Mais, à l’étranger !

Karouéf répliqua avec aigreur :

— Ah ! je croyais tout autre chose ! Mais il s’interrompit et continua d’un ton poli : bien entendu, partez ! Pourquoi resteriez-vous ici ? À l’étranger, vous vous guérirez, vous calmerez vos nerfs !

— Je veux passer l’été en Suisse !

— C’est très bien ! Excellente idée ! approuva Karouéf, et il prit congé de son camarade avec la politesse qu’on a pour les gens qu’on ne connaît guère. Il s’en allait aussi on ne sait où pour quelque temps.

Au milieu du mois de mars, Panof, l’un des habitants du numéro 64, célébrait son jour anniversaire ; il invita Tchistiakof. La neige avait disparu, et quand Tchistiakof sortit de sa dernière leçon, il jouit de l’agréable fraîcheur et de la pre-

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