Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
LE CAPITAINE EN SECOND KABLOUKOF

Crois-tu donc que je parle sérieusement ! Que tu es nigaud ! et, secouant Koukouchkine, il se détourna et se dirigea vers la fenêtre, comme s’il eût pu voir quoi que ce fût dans la rue par cette sombre nuit d’hiver. Néanmoins, il distingua quelque chose ; portant la main à son visage, il écarta ce qui l’empêchait de voir plus nettement.

— Votre Noblesse…

Dans la voix de l’ordonnance tremblait le sentiment dont le capitaine avait réussi à se débarrasser. Le dos massif de l’officier était immobile.

— Eh bien, quoi ? demanda-t-il sourdement, sans quitter la fenêtre.

— Votre Noblesse… punissez-moi !

— Assez, ne dis plus de bêtises !

Kabloukof s’étant tourné, l’ordonnance tomba brusquement à genoux et voulut entourer de ses bras les jambes de son officier. Avec un air confus, attendri et chagriné, celui-ci le releva et l’embrassa gauchement sur ses cheveux hérissés ; puis il l’écarta en plaisantant avec embarras, tandis que Koukouchkine continuait à lui baiser la main.