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LE CAPITAINE EN SECOND KABLOUKOF

compatriote avaient réveillé ses souvenirs, remué son sang de paysan, et ravivé la nostalgie du pénible travail physique, de la terre et de la charrue. Son camarade lui apprit que lui, Koukouchkine, était père d’une petite fille, mais que la femme était malade et nourrissait l’enfant au biberon ; le père de Koukouchkine n’avait pas d’ouvrier ; secondé seulement par son autre fils Ivan, il ne parvenait pas à faire tout l’ouvrage et s’affaiblissait ; le blé manquait et il faudrait emprunter à l’usurier Ilie Ivanitch, si « celui-ci le voulait bien ». Et toute la famille priait avec des larmes le bien-aimé fils Pétrouchka d’envoyer de l’argent, car la mort venait. Telles étaient les nouvelles transmises par le camarade. Koukouchkine lui avait remis un rouble en argent pour le donner à sa femme. Depuis lors il se désespérait. Son imagination alarmée lui traçait le tableau de la misère qui régnait dans sa demeure ; plus les fêtes approchaient, plus elle devenait profonde et lamentable. Le cerveau de l’ordonnance, peu accoutumé à la réflexion, travaillait avec difficulté, il concentrait toutes ses forces à la compréhension d’un fait contenu dans cette

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