des remarques désobligeantes. Plus les gens qu’il croisait avaient l’air satisfait, heureux et joyeux, plus il les regardait avec haine. « S’il pouvait éclater, ce chien graisseux ! » souhaita-t-il à la vue d’un gros marchand, assis dans un large traîneau, et auquel un garçonnet remettait des gâteaux et des pâtés. « Il n’en a pas encore assez, il est pourtant bouffi de mangeaille ! » Puis, à l’idée que le capitaine l’envoyait à l’autre bout de la ville, comme si les bons magasins manquaient dans le quartier, Koukouchkine fut envahi par une profonde misanthropie. « La graisse l’étouffe », pensa-t-il. « Tu achèteras les harengs chez Motykine, entends-tu ! » fit-il, pour singer le capitaine, et il cracha avec dégoût.
— Et si j’allais au cabaret ! fit Koukouchkine, comme s’il répondait à une question qui l’eût harcelé sans répit. Poussant dédaigneusement du pied la porte d’un cabaret, noircie par les doigts des clients, il disparut à l’intérieur.
— Voilà, je suis entré et j’ai bu ! dit-il en sortant du bouge, entouré d’une onde d’air empesté. Il regarda avec fierté autour de lui, comme pour provoquer le monde entier. Toutefois, aper-