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LE CAPITAINE EN SECOND KABLOUKOF

honte de se le rappeler et d’en parler ; néanmoins, il ne pouvait se défaire d’une série de souvenirs pénibles et confus. Il souffrait surtout en se remémorant vaguement que son ordonnance l’avait aidé et avait sympathisé avec lui, il ne savait à quel propos. Koukouchkine était-il plus solide sur ses jambes que les autres, avait-il le don de supporter plus longtemps les épanchements de son supérieur, accompagnés parfois d’un verre, ou de tout objet à portée de la main de Kabloukof, manifestait-il d’une autre manière encore sa sollicitude pour l’officier ? Celui-ci ne pouvait s’en rendre compte avec netteté ; néanmoins, il éprouvait de la reconnaissance envers son serviteur. C’est pourquoi il ne l’avait pas encore renvoyé et se résignait à sa stupidité officiellement reconnue, à son absolue incapacité. Ce que Koukouchkine ne cassait pas, il le gâtait d’une autre manière, plus ou moins spirituelle, et il interprétait les ordres du capitaine tellement à contre-sens que les autres ordonnances mêmes se moquaient de lui.

Ayant bu encore un verre, Kabloukof se disposa à aller chez un ami ; il remit la clef et la garde du logis à la propriétaire, dont l’appartement