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NOUVELLES

d’aujourd’hui ; une langue bête et risible. Elle parlait de l’académie militaire où Kabloukof irait compléter ses études ; douce et mystérieuse, elle évoquait une belle et bonne jeune fille qui l’aimerait ; elle dessinait le tableau vivant d’un bal joyeux où un élégant officier à taille fine dansait une mazurka et menait une conversation spirituelle. La danse… Quelle chose risible que la danse !

Le capitaine regarda son ventre arrondi ; il se vit dansant et parlant avec une demoiselle et sourit.

— Et maintenant, ne suis-je pas bien ? Par Dieu, oui, je suis bien ! fit-il, comme s’il répliquait à un interlocuteur invisible ; et pour prouver qu’il était bien, il avala encore un verre d’eau-de-vie ; mais il ne se rassit plus devant le poêle. Il lui sembla plus raisonnable de se promener par la chambre. Des pensées familières, paresseuses, paisibles, lui vinrent : le juif Abramka avait abîmé les souliers vernis du lieutenant Iline ; le traitement qu’il toucherait quand il serait commandant de compagnie, serait plus fort ; le trésorier était un brave homme, quoique Polonais.