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LE CAPITAINE EN SECOND KABLOUKOF

hier, il a été insolent avec moi. La propriétaire se plaint aussi de lui. Que le diable l’emporte ! J’aime mieux penser à demain soir. Comme ce sera gai et agréable.

Après avoir bu encore deux verres d’eau-de-vie, en allant et venant dans la pièce et en regardant par la fenêtre couverte de givre, où l’eau commençait à dégoutter de la tablette, Kabloukof prit une petite malle, la traîna devant le poêle ronflant et sifflant ; puis il s’assit. Une onde de chaleur sortait de la bouche du fourneau. Les pétillements cessèrent et les langues jaunes de la flamme léchèrent avec des ondulations paresseuses les bûches noircies par le feu.

Vingt ans avaient passé depuis que Nicolas Kabloukof s’était assis pour la première fois sur sa malle, devant ce poêle. Alors il venait seulement d’arriver dans l’infecte petite ville, dans cette malheureuse division où les officiers étaient si résistants et l’avancement si lent. Alors la calvitie ne l’avait pas encore atteint et son visage n’était ni rouge, ni ridé. Le feu, dont la chaleur lui caressait si agréablement la figure, parlait une autre langue ; moins compréhensible que celle