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KOUSSAKA

Lélia s’avança vers le chien, tout en frappant des mains, non sans craindre d’être mordue.

— Je t’aime, Koussaka, je t’aime beaucoup. Tu as un gentil petit nez et des yeux si expressifs. Tu ne me crois pas, Koussaka ?

Les sourcils de Lélia s’élevèrent ; elle avait elle-même un si joli petit nez et des yeux si expressifs que le soleil avait bien raison de baiser ardemment ses joues roses et tout son jeune visage d’une beauté naïve.

Alors, pour la seconde fois de sa vie, le chien se coucha sur le dos et ferma les yeux, ignorant si on allait le battre ou le caresser. Mais on le caressa. Une petite main tiède se posa en hésitant sur la tête hérissée et, comme si c’eût été le signe d’une prise de possession inéluctable, elle glissa libre et hardie sur tout le corps velu, qu’elle chatouilla en le houspillant.

— Maman ! Enfants ! Voyez : je caresse Koussaka ! s’écria Lélia.

Lorsque les enfants accoururent, bruyants, animés, lumineux et agiles comme des gouttes de vifargent, Koussaka demeura glacé d’effroi ; il attendit, désarmé : il savait que si on le maltraitait,